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Colère et indignation

Différencier colère et indignation pour bien accompagner la colère !

Pour le coach, faire la différence in situ, lors d’un accompagnement entre la colère et l’indignation permet d’orienter la conversation. Il ne s’agit, dans les lignes qui viennent, que d’une façon de voir le monde, d’une opinion utile pour mes collègues coachs sur la colère et l’indignation. Je ne fais pas ici œuvre de philosophe.

La colère

La colère est l’émotion qui nous gagne quand une chose qui est importante pour nous est endommagée ou risque d’être endommagée. Que ce soit notre corps, nos enfants, nos biens, nos valeurs, nos croyances, nos désirs… vivre. La colère est une émotion de l’action : quelque chose se passe, quelqu’un a un comportement qui créée des perturbations dans ce que nous voulons conserver, protéger.

 

Dans la plupart des cas, nous connaissons la personne qui présente le comportement qui nous pose problème. La colère est alors orientée vers quelqu’un que l’on connaît. Quelquefois, la colère peut provenir de causes fantasmées, j’imagine être l’objet d’un désintérêt de mon manager ou de causes bien réelles, j’ai vécu de l’humiliation lors de la dernière réunion du Codir, quand mon patron m’a traité d’imbécile. Je suis en colère parce que je suis endommagé par le comportement de mon patron. Et dans ce cas la colère risque d’être rentrée, de se traduire en ruminements, en désintérêt, en bruits de couloirs.

Le travail du coach pourrait être d’accompagner la prise de conscience de la personne sur les causes de la colère, sur son besoin : par exemple  faire cesser le comportement dommageable, obtenir réparation, être entendu dans ma colère ; puis sur les stratégies pour obtenir une réponse de qualité à ce besoin.

Le travail du client pourrait être d’abandonner sa colère en connaissance de cause, dans une décision bonne pour lui portant sur l’arrêt des hostilités, ou bien de revenir au contact pour exprimer avec la CNV, avec le DESC, ce qui l’a mis en colère, dans une tentative d’améliorer la relation. Lorsque les causes sont réelles, apparentes dans la vie, même si cela n’est pas simple d’orienter la colère vers une résolution positive, le changement qui résulte de ce retour au contact est souvent profond et important.

L’indignation

L’indignation est un sentiment de spectateur.

L’indignation est orientée vers la société, vers des personnes indifférenciées. Elle traduit le refus d’une situation, d’un mode de fonctionnement, d’une organisation. Je suis indigné de la faim dans le monde, des incivilités, des personnes qui ne respectent pas le confinement pendant la crise du COVID19. Je suis indigné de la façon dont les sans-papiers sont traités. Je suis indigné de la place faite aux femmes dans les CODIR du CAC 40. L’indignation résulte de jugements sur ce qui est digne ou ne l’est pas. Évidemment, ces jugements sont liés à notre carte du monde et n’ont généralement de valeur que pour nous-mêmes et éventuellement notre groupe d’appartenance. Pour certaines causes d’indignation, une valeur plus universelle en lien avec les droits de l’homme, les droits des minorités.

Pour certains tout peut être sujet à indignation et cela même limite la portée de nos indignations. Sans conscience de notre indignation, celle-ci peut nous entrainer vers la polémique, les prises de positions scandalisées, la radicalité, la violence de nos commentaires. Lorsque nous savons reconnaître notre indignation, que nous pouvons différencier celle qui sera positive pour nous, elle nous entraine à repérer les dysfonctionnements essentiels de notre société contre lesquels nous allons nous engager. Elle nous entraine à repérer les personnes les plus vulnérables pour lesquelles nous allons tenter de changer le monde. L’indignation demande une réponse politique, un engagement, un choix des causes. 

Pour le coach, l’indignation d’un client permettra de belles discussions sur ses valeurs, ses intentions, ses engagements et bien sûr sur ses priorités, ses renoncements, ses propres vulnérabilités.

Colère indignation et zones d’influence

Dans l’un ou l’autre de ces ressentis, sentiments, émotions, …, qui s’incarnent dans la colère ou l’indignation, nous pouvons faire travailler le client sur une meilleure perception des « zones d’influence » qui sont les siennes, sur sa capacité d’y comprendre ses possibilités et ses limites, d’y travailler ses options d’intervention et de changement (de lui, de son environnement) et d’y percevoir son nécessaire besoin d’acceptation à partir d’un certain point de perte d’influence.

 

Comme le montre le schéma ci-dessous, nous (ce « nous » qui construit notre « ego ») sommes au cœur de plusieurs zones d’influence :

 

La première Zone d’influence

C’est la principale, elle est constituée de nous-même, et elle s’y résume (mais ce résumé est déjà immense). Elle est en fait le seul lieu de notre « pouvoir absolu », de notre pleine puissance. Ce lieu où les décisions et les actions ne dépendent que de nous-mêmes, dans les limites constitutives de notre ego, que nous évoquerons ensuite et qui sont le vrai lieu de notre « développement personnel ».

 

Dans cette « zone d’influence pleine », et uniquement dans cette zone, nous pouvons parler de notre pleine capacité à changer les choses, leur perception, leur sens et leur orientation.

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La seconde zone d’influence : influence partagée

Cette seconde zone est dite « d’influence partagée ». Elle est constituée de tout ce qui construit nos environnements : famille, métier, société, relations sociales, professionnelles, amoureuses, …. Nous n’y disposons plus du « plein pouvoir », nous ne pouvons pas décider pour les autres, ni tordre la réalité à notre désir, ni modeler à notre seul goût notre environnement ou plier nos relations à notre seule attente ou volonté.

 

Nous n’y sommes pas pour autant impuissants. 

 

Nous pouvons nous efforcer d’y être influents, d’y être convaincants. C’est alors le lieu de la négociation, de l’accord partagé, du compromis, du contrat, des alliances et des coopérations. A dire vrai, sauf à habiter une île déserte (et encore, même Robinson sur son île présumée déserte, s’y trouve quand même dans l’obligation, jusqu’à ce qu’il puisse reconstruire des relations sociales par sa rencontre avec Vendredi, de « négocier » avec l’environnement présent, la nature, les animaux, …), c’est dans cette zone d’influence partagée que nous passons l’essentiel de notre temps, dès que nous sommes dans une interaction sociale, quelle que soit sa nature.

 

Pour vivre des relations sociales apaisées et constructives, il nous faut alors accepter d’être dans cette zone où nous ne sommes plus en plein pouvoir mais en pouvoir partagé. C’est aussi le début de la possibilité du « pouvoir pour » à rebours du « pouvoir sur ».

 

Si on exploite ce concept vers l’angle managérial, nous sommes à l’évidence sur la zone du management visant à construire le sens partagé, la coopération, la vision « comme une », la co-construction.., et non plus sur la zone du simple management directif, qui n’a plus guère comme fondement légitime que le lien de subordination qui soude et enferme tout contrat de travail.

La troisième zone d’influence : zone d’inertie

Cette troisième zone parle du monde et de sa réalité, mais qui s’éloigne de nous, de notre capacité à y intervenir et y changer les choses notoirement. Notre pouvoir y est faible, pas inexistant mais faible. Je peux ainsi être choqué par la faim dans le monde,  ma capacité d’y intervenir n’est pas inexistante (je peux voter en tant que citoyen pour certains choix de société, je peux faire des dons, militer dans des associations, …) mais plus faible. C’est la zone de l’investissement politique, celle qui correspond à nos indignations : chouette de s’indiqner et de choisir dans toutes mes indignations celle pour laquelle je vais lutter politiquement, associativement…

 

Il est important alors que je sache y développer ma capacité d’acceptation des choses. L’acceptation ne signifie pas l’abandon ou la résignation, mais elle parle de ma lucidité à comprendre et intégrer sans souffrance les limites de mon pouvoir.

Nos modes d’intervention possibles dans chaque zone, en fonction de l’énergie nécessaire

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En zone 1, notre zone de pleine puissance

Nous pouvons agir sur 4 champs :

  • La zone de l’agir : se mettre à faire ou arrêter de faire certaines choses
  • La zone du dire : se mettre à dire ou arrêter de dire certaines choses
  • La zone des comportements : stopper certains comportements dommageables et/ou adopter de nouveaux comportements « positifs »
  • La zone des croyances : passer au tamis nos croyances issus de nos modèles du monde (représentations, comportements scénariques, …), pour conserver celles qui nous aident à fonctionner et nous développer (nos valeurs) et celles qui nous bloquent dans nos évolutions (nos croyances limitantes).

Chacun de ces champs intègre la place des émotions et des expériences vécues, qui influent sur nos comportements.

En zone2, notre zone d’influence partagée

Nous pouvons intervenir à partir de nos actes, paroles, comportements, croyances, une fois qu’ils sont suffisamment « nettoyés » (CNV, clean language, médiation, …) pour pouvoir les proposer à nos environnements, afin qu’ils les trouvent suffisamment « acceptables » pour bâtir un accord de fonctionnement.

En zone 3, notre zone d’inertie

Il nous faut développer notre capacité d’acceptation de nos limites, de nos impuissances, sans renoncer tout à fait. Un petit pas, un geste de colibri, …, est toujours un choix possible, il nous faut accepter que vouloir y changer les choses nous coûterait trop d’énergie, menant à l’épuisement (des situations de burn-out naissent parfois sur des énergies démesurément investies à changer des choses que nous ne pouvons pas changer).

Cette capacité à l’acceptation nous protège, nous prémunit du désespoir, préserve notre énergie et notre santé ; elle permet également de laisser la place et la chance à une « confiance irréductible et inconditionnelle dans l’univers », où l’addition de nos influences collectives finira par orienter le monde dans un sens positif.

Chacune des zones contient sa « pathologie potentielle »

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  • La zone 1 prend le risque de la toute-puissance (surtout s’il s’accroche à un narcissisme hypertrophié),
  • La zone 2 prend le risque du sentiment de non-influence sur les choses et les relations (surtout s’il s’accroche à une estime de soi fragile, un narcissisme hypotrophié),
  • La zone 3 prend le risque de la baguette magique, des illusions, de l’oubli que tout changement commence d’abord par soi-même (« Sois le changement que tu veux voir dans le monde », Gandhi)

En tout état de cause, la perception la plus fine et la plus consciente possible de nos zones d’influence et de nos capacité à y agir et s’y mouvoir avec fluidité nous donne une capacité nouvelle à vivre et sublimer nos émotions, nos colères et nos indignations.

Elle nous permet également de conserver foi et confiance en nos existences et nos places dans le monde, et d’y chercher toujours un peu plus de liberté et de bonheur.

Avril 2020 –  Olivier Dosset, Coach, coach d’équipe, Gestalthérapeute.  & Daniel Chernet