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Un coach peut-il exercer seul ?

Le coach est seul face à son client.

Cela semble un truisme, coacher c’est être dans une relation duelle, même si lors de la formation, la pratique de la double commande a pu être employée. Le coach est seul, fondamentalement seul face à son client. Il doit donc être présent, comprendre la situation, ressentir ses propres émotions, analyser la relation. Tout cela, il le fait seul. S’il est seul face au client, il est aussi en référence consciente ou non à ses formateurs, à ses maîtres. Le coach s’est formé sa pensée sa vision de son métier, des interventions et de ses clients, au travers de sa formation, des supervisions, des échanges avec ses pairs. Lorsqu’il se positionne face à son client, il met en œuvre ces apprentissages.

Eric Berne parlait de diagramme d’autorité. D’où le coach tire-t-il son autorité, sa compétence. En ce qui me concerne, j’ai été formé par Gilles Pellerin, par Jacques Moreau, par Carlo Moïso, dans une poursuite de l’œuvre d’Eric Berne, qui arrive lui-même après Freud et Erik Ericsson. Je tire une partie de mon autorité de cette formation à l’analyse transactionnelle. Dans ma solitude face au client, je réfléchis à partir des modèles, des concepts imaginés par mes prédécesseurs. Je tire également mon autorité de ma formation universitaire, de mon parcours professionnel, des clients et des patrons qui m’ont marqués. Ensuite une part de ce que je fais n’appartiens qu’à moi, c’est mon style, mon approche propre. Cette part de ma pratique n’est pas déconnectée de ma formation, elle l’enrichit, la rend plus personnelle, moins mécanique.

En fait, quand je suis seul face à mon client, je ne suis pas seul, j’ai dans ma tête une structure construite en lien avec mes prédécesseurs.

Le coach ne devrait pas rester seul, sans réseau, sans référence.

A part pour quelques individualités créatrices de nouveaux paradigmes, les risques d’être en dehors d’un réseau de pensée, de confrontation, d’échange sont nombreux.

  • Le premier d’entre eux est de se croire tout puissant, le coach peut jouir de sa propre puissance, en oublier les risques et ses propres limites, se croire capable au vu de ses résultats d’accompagner toute personne et toute problématique. Ce sentiment de toute puissance, peut amener à méconnaître la réalité de l’autre, du client, à l’amener vers là où le coach veut qu’il aille, à aller trop vite, trop loin, avec pour conséquence de déstabiliser le client.
  • Le deuxième risque est de se sentir impuissant, sans regard en miroir, sans analyse des difficultés et des réussites de ses confrères, le coach peut s’enfermer dans des analyses pessimistes, ne plus voir que ses propres erreurs et échecs, puis ne plus se sentir à la hauteur. Le regard bienveillant des autres, l’échange autour des difficultés, la réassurance, permettent de relativiser ses échecs (oui, oui, tout le monde en a ou en a eu), de se savoir riche même avec des limites.
  • Le troisième risque est de développer de plus en plus de conduites limites en terme de déontologie, sans regard des pairs, le coach peut petit à petit dériver vers des conduites inacceptables, augmenter indéfiniment le nombre de séances, s’impliquer bien au-delà du raisonnable, mettre en œuvre une mystique hors de propos avec le travail du coach, en arriver à exploiter la relation de travail.
  • Le quatrième risque est de rester figer dans ses méthodologies, si le coach n’observe pas ce que les autres font, s’il ne se remet pas en cause par l’échange, il perd de vue la finalité du coaching et risque de se centrer sur les méthodes, il risque de figer sa pratique, de ne pas l’enrichir continuellement et donc de devenir de plus en plus rigide, de moins en moins efficace.
  • Le cinquième risque est de ne pas identifier ses zones d’ombres. Il est permis à tout un chacun d’avoir des zones d’ombres, des aspects scénariques dans ses comportements. S’ils ne sont pas dévoilés, pointés, ils ne seront pas traités. Un coach, quelque soit son cadre de référence et sa pratique, manie la relation et travaille sur l’humain, il n’est pas à l’abri d’une émergence de son propre scénario de vie dans la relation à son client. Prenons un exemple, Mr Coach (rendons à François Délivré cette manière de nommer le coach) rencontre Mme la Directrice, celle-ci lui rappelle d’une manière inconsciente, par sa rigidité, une parente (sa mère ?), Mr Coach risque alors de ne plus guider la relation, mais d’être guidé par elle, il va petit à petit s’enfermer dans une relation où les aspects non professionnels vont devenir prépondérant. Qui le lui dira s’il reste seul dans son cabinet ?

De ces risques découle la nécessité de la participation du coach à des groupes de pairs,  à des séances de supervision, de la nécessité de confrontation de son cadre de référence à d’autres points de vue. Le coach ne saurait être seul.

Article de 2006