You are currently viewing La conscience politique du coach

La conscience politique du coach

La conscience politique du coach – article de 2005

Il me semble qu’une des difficultés du coach dans son exercice auprès des entreprises est celle du positionnement envers la culture d’entreprise. Chacun d’entre nous a une vision politique, cette vision inclut sans doute des opinions, des valeurs, des croyances sur ce que l’entreprise devrait être et sur les manières adéquates de manager le personnel. Pour nombre d’entre nous, la vision de l’entreprise est pragmatique, orientée vers la recherche de l’efficacité, avec un niveau élevé de congruence et de qualité des relations humaines, prenant en compte les compétences de chacun, permettant la circulation des signes de reconnaissance, la définition d’objectifs ambitieux et réalistes, la régulation des modes de prise de décision, de délégation, le traitement des conflits.

Cette vision (avec ces quelques traits de pinceaux le tableau n’est pas complet, à chacun de définir ce en quoi il croit), m’amène à identifier les traits de l’entreprise qui ne me semblent pas en adéquation avec ma vision du monde.

  • Premier exemple: dans cet établissement hospitalier, les souhaits des jeunes cadres ne sont pas pris en compte, ainsi telle cadre de santé fraîchement sortie de l’école se retrouve dans le service dont elle est issue, service qu’elle a souhaité quitter. Cette prise de fonction entraînant un stress important lié à la fois à la découverte du poste, à la nécessité de trouver comment se repositionner face à ses anciens collègues et à la difficulté relationnelle avec certains médecins née de ses prises de position au moment d’entrer à l’école des cadres. Cette situation n’est pas adéquate pour le développement du jeune professionnel, les erreurs s’accumulent et les relations à la hiérarchie deviennent de plus en plus difficile.
  • Deuxième exemple: lors de la rencontre avec un dirigeant, prescripteur de coaching pour un de ses cadres, il me précise, qu’il n’a pas d’espoir dans la réussite de ce projet de coaching, car le cadre en question est en fin de carrière et pour tout dire dans un placard.
  • Troisième exemple: dans cette entreprise, l’attitude d’un des directeurs est extrêmement négative vis-à-vis des cadres qu’il a la charge d’animer (dans une mission transversale). Bien que n’étant pas mon client direct, il a son mot à dire sur la composition du groupe de projet que j’anime.
  • Quatrième exemple : dans cet hôtel, la gouvernante va accorder une place centrale à des détails, qu’elle utilisera pour brimer les femmes de ménage, créant de l’anxiété et du désintérêt pour l’établissement.

Ces quatre exemples ne sont bien évidemment ni exceptionnels, ni graves en eux-mêmes, ils sont simplement le symptôme d’un manque de conscience de l’importance des relations humaines (d’accord, dis comme ça c’est un peu grandiose), ils sont l’indicateur de faits générateurs de souffrance pour l’encadrement ou le personnel concerné, il ne s’agit pas de harcèlement moral, le coté répétitif n’étant pas nécessairement présent.

Face à ses situations plusieurs questions se posent au coach :

  • Quelles seront les possibilités de changement de l’établissement liées à son intervention auprès d’un des managers ?
  • Est-ce qu’il ne risque pas d’induire auprès du coaché des visions négatives de son entreprise ?
  • Est-ce que la prise de conscience des processus relationnels par le coaché ne le mettra pas dans une impasse entre sa volonté d’aller de l’avant et la nécessaire adaptation au fonctionnement de l’entreprise ?
  • Est-il possible d’agir sur la culture de l’entreprise à partir de la relation de coaching ?
  • Comment aider au développement de la personne en prenant en compte son contexte, à partir de ses propres idées et points de vue sur le monde, sur ses enjeux ?

D’un autre point de vue, le coach peut également se poser la question de la justesse de son intervention. Dans la plupart des cas, son contrat ne permettra pas au coach d’induire une action directe sur la culture d’entreprise, il sera en position de permettre au coaché d’exercer son regard critique, de rechercher des solutions pour ne pas être entraîné dans les modalités de fonctionnement de l’entreprise.

Dans d’autres cas, par son action, en permettant au cadre coaché de s’adapter à ces fonctionnements ‘limites’, il contribuera à renforcer la culture existante. En clair, les actions du coach ne génèrent pas de manière systématique une amélioration de la culture et des modalités de fonctionnement de l’entreprise, mais elle peut quelquefois renforcer les dysfonctionnements existants.

Faut-il pour autant que le coach ait une large culture politique ? Il me semble qu’il a surtout à regarder son propre positionnement, ce qui est acceptable pour lui.



Pour aller plus loin.

Jean Pierre Le Goff – Les illusions du management. La découverte. 2000

Jean Pierre Le Goff – la Barbarie douce. La découverte. 1999