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Conséquences relationnelles de la peur dans les organisations

Fuite et retrait de la relation

Lorsque l’on ressent de la peur, on est plus ou moins naturellement amené à vouloir fuir la situation, ou tout du moins à chercher à l’éviter, à ne pas être en contact avec ce que l’on ne maitrisera pas, ce que l’on ne peut pas contrôler. La peur est très envahissante dans les groupes ou les relations. Nous pouvons ressentir de la peur ou de la colère qui n’est pas exprimée par nos clients.

Rolland accompagne le changement dans des PME du secteur médico-social. Dans un EHPAD, il accompagne l’équipe de direction dans la définition de la stratégie la plus adéquate pour répondre aux évolutions de la réglementation et des attentes sociétales. Lors de premiers entretiens, il ne perçoit pas que la directrice a peur de la situation, de ne pas pouvoir y faire face. Dans un processus parallèle, il est convaincu qu’il ne sera pas à la hauteur, qu’il n’arrivera pas à l’accompagner.

Manifestations observables de la présence de la peur

Quelqu’un sous l’emprise de la peur va mettre en oeuvre des comportements significatifs. Il pourra par exemple :

  • Ralentir l‘exécution des tâches qu’il a à réaliser par peur « de se faire engueuler s’il fait une erreur », par perfectionnisme, peur de ne pas faire bien…

  • Créer des procédures de fonctionnement ou de contrôle trop compliquées pour éviter le risque que l’on redoute, comme demander de rapporter le stylo ou l’outil dysfonctionnel avant la remise du stylo ou de l’outil neuf, par peur du vol, peur de la malhonnêteté des collaborateurs.

  • Ne pas prendre de décision, ou prendre des décisions sous l’influence de nos patterns de fonctionnement anciens, ou encore retarder la prise de décision, par recherche de « toute l’information utile ».

  • Développer de la passivité, procrastiner, attendre que les choses se fassent.

  • Ne penser qu’à la peur et non aux actions possibles. Limiter notre investissement ou nous retirer des prises de décision, des actions nouvelles.

  • Obéir, nous conformer, nous suradapter en faisant de la lecture de pensée. Être très attentif aux réactions des autres. Respecter à la lettre tout ce qui est prévu. ne pas dénoncer ce qui devrait l’être, cacher des situations à risque ou des manquements.

  • Ne pas aller au contact des personnes avec qui nous avons des difficultés à traiter. Laisser pourrir les situations.

  • Ne pas confronter les leaders et les collègues sur les comportements qui nous font du mal.

  • Ne pas nous opposer à une situation qui nous met en danger.

  • Chercher à séduire la personne qui nous fait peur.

  • Ne pas mettre en œuvre nos propres désirs, nos propres projets,  considérer que ce n’est pas important.

  • Ne pas donner notre avis, ne pas parler de nous, ne pas faire part de nos propres émotions.

  • Développer un rôle de victime, nous plaindre, ne pas chercher à résoudre les situations qui nous posent problème, à reporter sur ceux qui nous font peur la responsabilité de nos difficultés.

Peur et perte de confiance

La peur conduit également à la perte de confiance, perte de confiance en nous-même et perte de confiance dans les autres (la peur provoque la méfiance), provoquant un désinvestissement du groupe. Elle va empêcher les membres d’un groupe de confronter leur leader. Ce qui contribuera à ce que les comportements inadéquats soient ancrés dans le quotidien. La possibilité de confronter le leader est un élément qui montre le développement du groupe dans une relation de confiance.

Certains de nos clients, sous l’influence de la peur vont imaginer le pire, attendre que les choses se passent mal, ne pas imaginer d’options et quelquefois se mettre dans la situation de vivre ce qui est redouté.

Michaël est un jeune formateur en systèmes de management. Il intervient dans de grandes entreprises industrielles et à ce titre est amené à prendre régulièrement l’avion. Il habite à 30km de l’aéroport. Ce matin, sur la route, il se demande s’il a bien pris la clé nécessaire à l’impression des documents liés à son action chez le client, le niveau de peur monte, il s’arrête sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute et vérifie la présence de la clé. Sous l’emprise du stress, il ne trouve pas la clé, téléphone à son épouse pour qu’elle cherche dans son bureau, ce qu’elle ne trouve pas. Le niveau de stress augmente. Au final, arrivé à l’aéroport, il vide totalement son sac et retrouve la clé, dans la poche habituelle.

Mais face à la peur, les réactions ne sont pas toujours en lien avec la fuite, certaines personnes peuvent se tétaniser (très visible lorsqu’un accident se produit, quelquefois nous ne savons plus quoi faire et nous nous renfermons sur nous même sous influence de la peur). D’autres encore pourrons chercher à détruire ou éloigner par la violence, l’agression, l’objet provoquant la peur. Dans ce cas, l’expression comportementale visible est la colère ou la rage.

Peur et management

La peur a été employée en d’autres temps comme un outil de management. Sous l’emprise de la peur, les professionnels seront plus dociles, plus obéissants, mais ils seront aussi plus passifs, ne prendront pas d’initiatives, ne partageront pas leurs idées et désirs. La peur est contagieuse et ne pas la traiter conduit à voir des groupes entiers être sous performants, passifs et inquiets. Seule la confiance va permettre à chacun des membres d’un groupe de se distinguer, de donner le meilleur de lui-même, de prendre des risques, de faire des essais créatifs…

Il est facile d’intimider quelqu’un. La position sociale intimide, les connaissances, les titres intimident, le droit de dire non, le pouvoir intimident. D’une manière corporelle l’intimidation peut venir : du non verbal (froncement de sourcils et silence), de la posture parentale, d’un regard volontairemnt dur, de l’absence de sourire, de l’usage d’une voix forte, d’une expression forte de la colère, du maintien d’une distance relationnelle, de l’absence de contact, ou encore en se maintenant à l’écart.

Gilles est un ingénieur projet dans une entreprise de haute technologie, il a demandé un coaching après qu’un 360° ait mis en évidence son attitude distante avec les membres de son équipe et ses difficultés de management. Dans la relation avec son coach, son coté intimidant ressort, il va rechercher des options pour être plus en contact et augmenter sa capacité d’influence.

Tout ceci peut être utilisé par le manager dans le but de marquer sa différence, son statut ou plus simplement parce qu’il n’a pas réfléchit à l’influence néfaste de l’intimidation. L’intimidation (qui est un comportement en lien avec la colère) provoque de la peur chez les collaborateurs et diminue leur envie d’être en contact avec le leader, ce qui conduit à des risques de cacher des difficultés, de donner une information incomplète ou biaisée, pour éviter les accès de colère. La peur inhibe la créativité, la joie, le désir et diminue l’engagement des personnes dans des options et solutions nouvelles. « … Un leader qui ne fait pas preuve d’intelligence émotionnelle peut semer le chaos dans une situation d’équipe. » Traduit de Goleman, D., Boyatzis, R. et Mc Kee, A. « The emotional reality of teams », Journal of Organizational Excellence, 2002

C’est l’harmonisation, la capacité à comprendre avec empathie le point de vue de l’autre, à respecter son rythme, son cadre de référence qui va l’amener à sortir du risque d’intimidation. Pour arriver vers une meilleure harmonisation avec ses collaborateurs le manager devra sans doute passer par une réflexion sur ce qui motive les collaborateurs et comprendre comment la peur est contre-productive.

Avec son coach, Gilles prend conscience de ses attitudes et va développer sur plusieurs séances sa capacité d’harmonisation, d’abord en réfléchissant à la différence entre « pouvoir pour » et « pouvoir sûr ». Puis il traite de l’importance de la qualité de la relation pour la motivation des personnes, puis de la nécessité dans son rôle d’aider chacun à développer son autonomie, sa capacité de maîtrise de son action et la recherche de sens à son action. Gilles définit pour lui-même ce qu’autonomie, maîtrise et sens pouvaient lui apporter. Plus tard, il a cherché à développer sa capacité d’empathie en imaginant ce que ses collaborateurs ressentent dans telle ou telle situation.

Dans certaines entreprises des situations sont créées pour voir comment la personne réagira face à la peur. Dans cette entreprise du secteur des produits de grande consommation, les chefs de produits présentent leurs idées d’innovation, leurs nouvelles gammes ou campagnes devant le directoire, dans un amphithéâtre, une salle pleine de collègues qui sont déjà passés par là. Quel est l’intérêt à long terme de ce surcroit de stress ?

Le leader peut augmenter l’énergie des membres de l’équipe en diminant avec eux les sources de peur et en développant les protections nécessaires face aux dangers réels.

Prendre soin de la peur au sein des équipes.

Quelques thématiques à traiter par le leader pour gérer la peur dans son équipe

  • Donner de la visibilité, donner du sens, indiquer la direction : projets, sens de l’action, limites de décisions, explication des processus de décisions.

  • Préparer des réponses structurées face aux difficultés les plus prévisibles. Mettre en place des processus types pour les risques principaux, clarifier les processus à mettre en oeuvre en cas d’apparition d’un risque non connu.

  • Clarifier les règles de fonctionnement, poser un cadre de confiance partagé et repris régulièrement. Clarifier les processus relationnels, ce qui est attendu et ce qui n’est pas tolérable en termes de relations.

  • Refuser la violence, les humiliations, les blagues sexistes, racistes, méprisantes.

  • Clarifier les attentes envers les professionnels, décrire les livrables attendus : la carte blanche peut être génératrice de plaisir et d’épanouissement, mais aussi d’inquiétude bloquante. Clarifier les zones de prise de décision, la subsidiarité, les délégations.

  • Clarifier les enjeux des différents projets, des différentes situations. Réduire les enjeux en formulant des plans B explicites.

  • Donner des tâches à hauteur de l’expérience, accompagner le développement des compétences. Vérifier que la personne sait faire, être attentif aux risques de suradaptation.

  • Vérifier que la personne a les ressources pour la mission confiée.

  • Mutualiser, parrainer, coacher, mentorer, accompagner…

  • Informer des changements. Lorsque l’on n’a pas d’information sur le contenu, au minimum expliquer le processus qui sera employé, les modalités de construction de la nouvelle situation, les modalités de prise de décision.

  • En cas de changement, créer une adresse mail pour recueillir les questions ; identifierdes cadres qui feront le recueil des questions, des inquiétudes ; créer un groupe de manager « à l’écoute » ; apporter des réponses sous forme de vidéos de quelques minutes et ne laisser aucune question de coté.