La peur est l’émotion ressentie lorsque nous percevons, anticipons ou imaginons un danger ou une menace, un risque d’atteinte à notre sécurité personnelle. Sa fonction est d’amplifier les réactions adaptatives (principalement la fuite, amis aussi le combat, l’immobilisation – faire le mort) face à un danger réel.
La peur permet de reconnaître le danger et de le fuir ou quelquefois de le combattre. Mais la peur trouve son origine également dans le risque de répétition d’une situation douloureuse que nous avons déjà vécue et dans les menaces sur notre identité. L’évaluation du danger ou de la difficulté de l’action prévue est toujours subjective, en lien avec notre histoire, notre tempérament, notre culture.
La peur est naturelle et universelle. Les oiseaux et les mammifères connaissent des émotions, dont la peur. C’est son intensité et sa durée dans le temps, sa permanence, qui peuvent être ou devenir problématique. La peur peut être surmontée et dans bien des cas, si la peur spécifique liée à une situation est accompagnée et dépassée, la prochaine expérience sera beaucoup plus facile. Le courage n’est pas l’absence de peur, mais c’est la caractéristique d’une personne qui connaît sa peur et va la dépasser pour prendre ses responsabilités et accomplir ce qu’elle estime nécessaire.
Impacts corporels de la peur
Sur le plan neurologique, la peur correspond principalement à une activation de l’amygdale (un ensemble de noyaux présent au niveau des lobes temporaux), face à une perception de danger imminent. La peur prépare, par des décharges hormonales, le corps à agir. Il se tend, en alerte. Le cœur s’accélère, le transit également. Les sens sont en fonctionnement maximum, l’attention se porte principalement sur le danger pour décider du moment de la fuite ou de l’action à mener.
Mais la peur génère également des sudations, des vertiges, des maux de tête, des douleurs d’estomac, des tremblements, de la sueur, des raideurs du corps, la voix sui tremble et le blocage de la pensée. Lorsque la peur est trop souvent présente, les hormones de stress (qui viennent des surrénales) sont épuisées et la personne ne peut plus faire face, elle risque alors de développer des malaises, de grandes fatigues, voire des ulcères.
La peur bloque le cortex, empêche de penser clairement, de mettre sa conscience au service de ses objectifs, elle empêche de prendre des décisions et souvent d’agir. Si je reste seul face à la peur, elle va prendre toute la place disponible dans mon esprit. On comprendra donc aisément la puissance et la nécessité de l’accompagnement face à la peur. Ne pas rester seul permet de trouver du soulagement et du soutien, de reprendre sa réflexion, d’identifier ses besoins, d’y répondre et de rechercher les protections et la réassurance nécessaires.
L’expérience de la peur
La peur est une émotion du présent ou futur immédiat, elle nous informe de la présence d’un danger qui pourrait survenir dans un avenir proche. Imaginez-vous à quelques secondes de vous lancer dans le vide, au bout d’un élastique. Votre corps vous informe du danger et c’est ok ! Heureusement, quelqu’un est là pour vous aider à vous lancer, il a l’habitude de cette activité et sait en maitriser les risques, la confiance que vous lui faites vous permet de dépasser votre peur et de vous jeter dans le vide pour cette expérience.
La phobie est une forme de peur qui se manifeste en présence du danger. Un agoraphobe ressent une peur très intense lorsqu’il est en face d’un espace ouvert. A priori, il n’imagine pas être en face d’espaces ouverts pour se faire peur.
Nous avons tous l’habitude de connaitre la peur pour des évènements qui ne se dérouleront que dans un avenir plus lointain que le présent ou futur immédiat. C’est alors le fait de nous plonger dans l’image ou le récit de la situation à risque qui permet à notre cerveau d’envoyer les signaux nécessaires au corps pour nous informer du danger et générer les signes corporels. Cette émotion qui se manifeste hors de la présence du danger est dite secondaire (liée à notre représentation du monde, nos pensées, nos croyances…).
Multiplicité des sources de peur
L’émotion secondaire de peur s’origine dans de multiples regards sur le monde, on peut ainsi :
avoir peur pour soi, pour quelqu’un qu’on aime ou même pour un objet auquel on est attaché affectivement,
avoir peur d’un danger qu’on peut percevoir, d’un danger absent mais qu’on connaît, ou d’un danger hypothétique ou imaginé, d’un danger fantasmé,
avoir peur d’un souvenir ou d’une souffrance qui vient de notre passé, ou d’un risque dans le futur,
avoir peur de voir quelque chose, d’entendre quelque chose, d’être touché par quelque chose, de toucher quelque chose…
avoir peur de souffrir moralement, de perdre ce que l’on a, de souffrir physiquement, d’être malade ou de mourir
avoir peur d’être ridiculisé, humilié, d’avoir peur d’avoir honte,
avoir peur des espaces ouverts (agoraphobie), des espaces confinés (claustrophobie), des étrangers (xénophobie), du travail (ergophobie)…
avoir peur du noir, de la séparation, de l’inconnu…
avoir peur d’avoir peur.
Contexte et objet du danger
Le plus généralement les peurs que nous ressentons ne traduisent pas un vrai danger, mais plutôt un contexte de danger, ou des enjeux, une projection de croyances ou de vécus anciens.
Je ne peux pas avoir peur de parler en public si je ne l’ai jamais fait. Si je ressens de la peur avant de parler en public (oublions le trac, qui est en lien avec l’ici et maintenant et qui va le plus souvent passer dès que la personne se sera mise à parler), c’est le plus souvent parce que j’ai vécu des moments où j’ai reçu des signaux négatifs lorsque je me suis montré, lorsque j’ai tenté de prendre la parole. Ou bien, je n’ai jamais été amené à parler en public (ce qui me semble difficile au collège ou au lycée). Ou bien, j’ai pu observer combien les autres pouvaient être humiliés lorsqu’ils prenaient la parole en classe, ou à la maison. Parler en public est le contexte, le danger étant d’être dénigré, pas admiré, pas écouté, pas reconnu. Tant que je reste bloqué sur le contexte, je ne pourrais pas traverser ma peur.
Pour Boris Cyrulnik (réf.), les hommes vivent assez peu dans le monde des perceptions et beaucoup dans le monde des représentations. Ce qui nous fait peur, dit-il, c’est l’idée que nous nous faisons des choses bien plus que la perception que nous en avons. Il ajoute que nos peurs sont pratiquement les productions de notre propre esprit. Lorsque l’on me cite l’exemple du tigre (si un tigre rentre dans la pièce) je réponds que cela ne m’est jamais arrivé et que dans ce cas, je serais obligé d’imaginer la scène, la peur serait donc une construction de mon cerveau.
Peurs anticipatoires
Les peurs que nous ressentons sont souvent des peurs anticipatoires. Pour celles-ci la personne croit qu’une situation va s’avérer dangereuse (dans un avenir plus ou moins proche) et va diminuer sa sécurité, son confort. Elle traduit de nombreuses croyances ou des situations vécues anciennes que l’on ne veut pas voir se reproduire. La peur anticipatoire se base sur nos expériences passées et les projette de manière peu consciente dans le futur. Nous ne faisons pas directement le lien entre notre peur et l’expérience négative ou traumatique que nous avons vécus.
Si j’ai vécu une expérience traumatique d’opération de l’appendicite en étant petit, il y a de grandes chances que je soit réfractaire à toute idée de me refaire opérer. SI l’on me parle d’une opération je vais vivre de la peur. Je vais nommer le contexte de l’opération, exprimer les risques les plus classiques. Pas sûr que je me souvienne de l’opération vécue à l’âge de 6 ans.
