Dans le bus navette de l’aéroport, une cliente demande à la conductrice dans combien de temps nous atteindrons la gare. Sa réponse est nuancée. Cela dépendra du trafic, sans doute dans 40 minutes. Puis elle explique qu’elle est contente de finir sa journée, car lors de la rotation précédente, avec les embouteillages, elle a mis plus d’une heure trente pour entrer dans la ville et que c’est vraiment difficile de travailler dans ces conditions. Ses épanchements ne conviennent pas à la cliente qui se retourne vers son compagnon et dit, assez fort pour qu’elle puisse l’entendre : « elle est payée pour, elle ne va pas nous emm… avec ça ». Le ton est légèrement suffisant et la conductrice entend la dévalorisation, se retourne vers son volant et se taira tout au long du trajet.
Il est payé pour !
Dans la plupart des entreprises, il existe des salariés qui « sont payés pour ». Payés pour accepter des humiliations, payés pour sourire au client, montrer un visage avenant, une perpétuelle bonne humeur et … accepter les récriminations, les coups de gueule, les plaintes et les demandes de passe-droit. Il semble qu’un salarié sur quatre en relation avec le public subisse des agressions verbales. Ces salariés doivent gérer les émotions issues de ces interactions désagréables, sans rien en montrer, sous le contrôle d’une série d’instructions, d’incitations, d’évaluations, de systèmes de surveillance.
La dissonance émotionnelle naît lorsque les émotions qui peuvent être manifestées face au client obligent à cacher les émotions réellement ressenties. Cet écart entre le ressenti interne, personnel, et ce qui est acceptable dans l’environnement est générateur de stress, d’insatisfaction au travail et d’épuisement professionnel, il génère de la souffrance au travail. Lorsque le salarié, en cachant ses sentiments réels pendant de longues durées, vit une dissonance émotionnelle intense, il va modifier ses modes de fonctionnement, soit en s’anesthésiant, soit en montrant sa colère ou son dépit réel.
Dans les deux cas il se démotive.
Un devoir d’assistance
Les managers ont un devoir d’assistance envers les salariés « qui sont payés pour ». Il leur appartient d’identifier les métiers qui sont concernés, les localisations dans l’entreprise, d’accepter d’écouter leurs plaintes, de permettre le partage des émotions réellement ressenties, de leur apprendre à dissocier rôle et personne, puis de développer des méthodes de soutien appropriées organisationnelles et relationnelles, pour que chacun soit payé pour un travail sans souffrance inutile.
Daniel Chernet, Facilitateur du travail d’équipe, coach
Formateur et Superviseur de coachs