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Origine des peurs (à partir d’une situation de prise de parole en public)

Benoit est un responsable d’une entreprise du secteur des logiciels, qui est venu en coaching pour dépasser ses difficultés de prise de parole en public. Il va passer dans les semaines à venir un entretien devant le comité de Direction d’un hôpital d’envergure départemental. L’enjeu est important pour lui, il va présenter une organisation nouvelle basée sur une numérisation des prises de notes médicales et soignantes, ainsi qu’une une interconnexion de l’ensemble des activités. L’hôpital est déjà informatisé, mais cette solution innovante amènerait un changement important dans la culture.

Pour Benoit, il s’agit de sécuriser les 3 années de travail à venir pour son entreprise et pour lui. Il a déjà passé un temps très important à rencontrer tous les acteurs, sauf le maire, qui est le président du conseil d’administration.

De la présentation du contexte à l’accès aux peurs.

Le contexte comporte plusieurs éléments qui peuvent déclencher la peur : le niveau des enjeux (il « doit » réussir à convaincre), le caractère connu de la situation (avec des antécédents de difficulté). Pour pouvoir accompagner Benoît, il existe de nombreuses options :

    • diminuer les enjeux, revenir à la présentation, séparer cette action (qu’il peut préparer et contrôler en partie) de la décision qui appartient à une instance dont il ne fait pas partie.
    • identifier des moyens de diminuer son stress,
    • augmenter sa préparation,
    • identifier les permissions qu’il a besoin de se donner,
    • identifier la peur relationnelle qui se cache derrière ce qui est présenté comme contexte,analyser avec lui la source de sa peur, différencier les expériences passées du présent…
    • travailler sur ses compétences, ses ressources…

Lorsque Benoît présente la situation et sa peur, il  parle du contexte : la peur de parler en public, devant un public qui va décider de son avenir, il n’identifie pas ce dont il a réellement peur, dans la relation aux personnes qui comptent pour lui. Dans cette situation de peur, il n’a plus accès à ses ressources et aux actions qui sont dans sa zone d’influence. Lorsqu’il aura accès à l’effet de contexte, la peur relationnelle qui se cache dans la situation, il va pouvoir retrouver des ressources et réussir sa présentation.

Au cours de l’accompagnement, Benoît m’a donné de nombreuses clés de lecture sur l’origine de sa peur de prendre la parole en public, que je peux partager ici pour illustrer les différentes origines des peurs.

Différentes origines d’une peur

  • Peur liée à une ancienne interdiction d’action : dans ce cas la personne a construit pendant son enfance un cadre de référence ou toute tentative de prise de parole en public se traduit par une peur intense, paralysante et la personne adulte en porte encore les stigmates.

Benoît décrit dans les premiers moments du coaching son histoire personnelle, faite de grands moments de silence, car fils unique d’un couple de commerçants. Il partageait peu avec des parents très exigeants sur le travail et très occupés professionnellement. Il raconte ensuite ses expériences de ‘’personne timide’’, ses difficultés à aller vers les autres, puis les humiliations vécues en cours de langue au collège. Il se souvient d’avoir décidé de se taire le plus souvent possible.

  • Peur liée à l’imaginaire d’un danger : la personne imagine le pire, pas nécessairement sous une forme directement perceptible à sa conscience, mais qui sera accessible à l’écoute.

Benoit imagine qu’il va rougir, qu’il va bafouiller, qu’il sera rejeté, qu’il ne pourra pas aller au bout de ce qu’il a à dire, que les personnes ne le comprendront pas, qu’il ne pourra plus jamais être respecté comme responsable de son entrepruse !

  • Peur liée à une expérience précédente mal vécue, à des humiliations ou des réprimandes subies.

Benoit raconte : « Lorsque j’ai présenté mon mémoire de maîtrise en sciences de l’éducation, la seule chose que le prof de la fac m’a dite, c’est que j’aurais du lire en plus tel et tel ouvrage, que j’aurais du faire une autre forme de conclusion, que j’aurais du parler plus fort, que j’aurais du simplifier les diapositives. Que des critiques, pas un mot sur la qualité de mon travail. Et pourtant j’ai eu une assez bonne note. ».

  • Peur liée à un ‘vrai danger’ : dans la vie professionnelle, il peut s’agir d’un danger réel tel que perdre son emploi, mais le plus souvent il s’agit d’un enjeu : nécessité de gagner ce client pour remonter les finances ou la trésorerie de l’entreprise, challenge posé par le N+1 avec ‘une interdiction d’échouer’ ; carte blanche sans contrat précis, sans indication des éléments de mesure de la réussite, sans clarification des ressources nécessaires, accession à un poste de management, changement d’organisation, fusions… dans ces cas, la peur domine, mais le client n’en a pas nécessairement conscience.

Pour Benoît, l’enjeu est de convaincre ses interlocuteurs pour qu’ils adhérent au projet de changement du fonctionnement du pôle hospitalier. Bien sûr cet enjeu le met en position de fragilité.

  • Peur de l’inconnu, de l’imprévisibilité : c’est un phénomène observé chez de nombreux animaux qui conduit à la prudence. Lorsque cette peur se présente sous une forme limitée, elle motive la curiosité et la découverte. Il est possible lors d’une conversation de transformer cette « peur qui bloque en une peur qui accompagne » (Sandrine Sananès, réf.).  Je pense à Peter, qui s’ennuie tellement dans son entreprise, et qui a peur de ce qui va se passer maintenant que son patron va partir en retraite, il a également peur de ne pas retrouver du travail à 55 ans, ce qui l’amène à accepter l’ennui. Rendre le monde prévisible est un de nos passe-temps préféré. Donner de la visibilité, aider les personnes à imaginer certaines situations à risque en entreprise conduit à diminuer les peur et anxiétés.

Pour Benoît, l’incertitude est grande, concernant la réussite de sa présentation, les critères qui vont conduire au choix de la solution, les attentes des personnes, ce qui va faire la différence… Identifier les différents éléments d’incertitude permet de trouver des éléments de réponse ou tout au moins de faire quelques prévisions qui vont permettre d’orienter son énergie vers l’action.

  • Peur par manque de confiance en soi : lorsque quelqu’un ne se sent pas « à la hauteur », ne connaît pas ses compétences et ses limites, il peut avoir peur de réaliser une action qu’il est techniquement capable de réaliser. Chacun d’entre nous dispose d’un cahier des charges dans lequel nous précisons ce que nous attendons de nous-même. Ce cahier des charges qui mérite d’être réactualisé régulièrement, car il date de notre enfance, nous sert à nous dévaloriser dès que nous sommes en situation d’enjeux.

Benoît raconte qu’il vit le complexe de l’imposteur, tout le monde va se rendre compte, qu’il n’est pas sûr que la solution présentée soit la bonne, il a peur que les personnes décident de le suivre. 3et si ça ne marchait pas ? ». Lorsqu’il présente un concept global comme le complexe de l’imposteur, il se met à distance de la peur et par conséquent, il l’entretien. Prendre conscience des différentes facettes et origines de sa peur va lui permettre de comprendre l’aspect multifactoriel et de décider d’une série d’actions de préparation qui lui permettront de réussir sa présentation, à sa mesure.

  • Peur relationnelle : c’est la personne qui est face à moi qui me fait peur, soit parce qu’elle a un pouvoir sur moi réel (elle peut me licencier, m’humilier), soit parce qu’elle me rappelle quelqu’un qui a eu du pouvoir sur moi dans ma vie. Elle vient me rappeler de manière peu ou non consciente une figure d’autorité ancienne qui me ramène à mes faiblesses d’enfant. Lorsque la figure d’autorité censée rassurer est elle même inquiétante, la peur est double.

Avec la technique de « qu’est ce qui pourrait se passer de pire », Benoît aboutit à la peur de décevoir son patron et ses collègues. L’émotion qu’il vit à ce moment là est importante, il sort des histoires racontées, très mentalisées pour entrer dans quelque chose qui est vivant. Il identifie qu’il a besoin de discuter avec eux de l’enjeu, des risques et qu’il serait plus confortable si l’un d’eux l’accompagnait.