- Coach : A ce moment de votre rencontre avec votre directeur, vous avez ressenti une émotion importante, donnez moi quelques indications sur cette émotion.
- Client : Et bien, je me suis mis à ressentir une douleur dans le ventre, j’ai eu une peur immense, j’ai eu l’impression de me retrouver le jour de mon premier oral du bac.
Ce client a touché pendant son entretien avec son directeur un ‘élastique émotionnel’[1], il a contacté une émotion et des pensées anciennes, provenant de son histoire de vie. Un élastique en AT est un mécanisme d’actualisation qui amène la personne à vivre dans la situation présente une réaction disproportionnée à un évènement. C’est l’expression de sentiments archaïques qui relient la personne au passé, c’est l’expression d’émotions qui ont été stockées pour n’avoir pas été gérées et qui apparaissent dès lors que la situation actuelle vécue se rapprochera de la situation ancienne ‘archivée’. L’émotion pourra apparaitre ‘par surprise’ lors d’une séance de coaching. C’est le caractère disproportionné avec la situation qui indique l’existence de l’élastique.
Ce concept me parait spécifiquement adapté pour les coachs qui peuvent quelquefois se sentir démunis face à des expressions émotionnelles fortes. Comment peut-il s’y prendre ?
Poursuivons le dialogue entamé plus haut.
- Vous avez ressenti de la peur, cette peur était-elle différente de celle que vous ressentez habituellement face à ce type de situation ?
- Oh oui, bien plus forte, c’est comme si j’avais été submergé par une peur panique.
- Il est possible qu’il s’agisse de l’irruption d’un sentiment ancien, qu’en pensez-vous ?
- Oh oui, je retrouve la peur qui était la mienne lorsque mes parents avaient des invités et que je devais montrer mes talents au piano. (le client pleure) …
- Hm, ce devait être un moment difficile pour vous. Est-ce que vous trouvez que votre patron a des exigences importantes envers vous ?
- Non, ce n’est pas cela, je me rends bien compte que je n’étais tout simplement pas préparé à cet entretien…
Pour accompagner efficacement son client le coach devra développer sa compétence à :
- Accepter le client et son émotion de manière inconditionnelle, dans une position de vie Ok, Ok ; que les émotions soient des manifestations parasitaires (remplaçant d’autres émotions plus en lien avec la situation), des émotions réactives de l’Enfant ou des émotions en lien avec l’ici et maintenant, elles sont ressenties et vécues par le client. L’attitude d’acceptation du coach va être essentielle pour permettre d’utiliser cette émotion pour la croissance du client. Quelques pistes : écoute empathique, visage accueillant, pas de gestes inutiles, éviter de toucher le client, prendre le temps.
- Encourager le client à aller chercher l’émotion, à la manifester ; tant que l’émotion n’est pas touchée et exprimée, il y a de grandes chances que le blocage de l’émotion perdure et que celle-ci ‘pointe son nez’ à chaque séance.
- Rechercher avec le client – non pas l’origine de l’émotion – qui répondra sans doute d’un travail thérapeutique, mais la réponse la plus adaptée au besoin manifesté par cette émotion : besoin de réassurance, besoin de s’opposer à une décision jugée injuste, besoin d’abandonner d’anciennes rancœurs (timbres psychologiques), besoin de partager.
Même si ces manifestations émotionnelles sont assez exceptionnelles, des émotions sont présentes dans la quasi-totalité des séances de coaching et c’est à travers leur exploration, leur résolution que le client pourra réinvestir dans de nouvelles attitudes répondant mieux à ses aspirations.
Dans l’exemple précédent, le coach a sans doute proposé une interprétation en lien avec la situation de manière un peu rapide, ne permettant peut-être pas au client de faire son propre chemin. Bien sûr la situation qui a créé et implanté durablement ce sentiment de peur n’a pas été traitée, et la séance de coaching n’est pas le lieu pour le faire. Mais, le client à maintenant développé sa conscience de ses émotions, il a progressé dans l’identification d’une stratégie permettant d’éviter la répétition de la situation. Le client a fourni au coach des informations sur la situation protocolaire (celle qui a conduit au blocage du sentiment), le coach n’a pas induit de régression, il est resté présent aux informations et aux émotions apportées par le client et a stimulé la pensée de son client. Par son acceptation bienveillante de l’émotion, il a permis à son client de se sentir accueilli et compris, ce qui est utile dans l’alliance créée entre eux.
Dans les exemples suivants d’élastiques quelles seraient vos propositions ?
Christelle est infirmière, elle a perdu son père dans des circonstances difficiles, alors qu’elle avait 17 ans. Elle se plaint lors de la séance de coaching de ne pas arriver à supporter son service, d’avoir des difficultés relationnelles avec ses collègues depuis qu’un Monsieur âgé est entré dans le service, il y a une semaine. Alors qu’elle raconte la situation et les comportements dont elle a conscience, elle se met à sangloter, puis à pleurer de manière très forte. Lorsqu’elle peut à nouveau parler, elle parle de son père, du sentiment de solitude qu’elle ressent, de la difficulté pour elle de prendre des décisions. Bien sûr traiter ces éléments relèverait de la thérapie, mais ne pas écouter, ne pas prendre en compte l’émotion apparue ne serait pas protecteur pour Christelle.
Mathieu est cadre dans une entreprise du secteur agro-alimentaire, lors d’une séance de coaching, il ne répond pas à une question classique concernant les circonstances d’un incident qui s’est produit en réunion de direction. Alors que le coach lui repose la question après un certain temps de silence, Mathieu se met à crier, à exprimer une colère, qui visiblement n’a rien à voir avec la question posée par le coach.
Nathalie accompagne des personnels licenciés dans leur reconversion, elle se prépare à intervenir dans un nouveau groupe, dans un secteur quelle ne connaît pas. Avec son coach elle définit sa stratégie d’intervention, lorsqu’elle se met à trembler, à se replier sur elle-même, à souffrir de maux de ventre importants. Elle se sent envahie par une peur qu’elle ne peut pas exprimer dans un premier temps, une sorte de frayeur.
Louis se met à pleurer lorsque l’on évoque les relations avec le nouveau manager qui l’ignore totalement et l’a mis ‘au placard’. Les pleurs sont enfantins, il peut retrouver et évoquer la situation rencontrée lorsque sa mère s’est remariée et que son ‘beau-père’ l’a totalement ignoré. Il va faire un travail thérapeutique.
Nicolas est un coach expérimenté, il accompagne Jean-Marc, le responsable logistique d’un entrepôt de la grande distribution. Lorsque le N+1 de son client le convoque sans lui indiquer l’objectif de l’entretien, il ressent une peur importante, il a des pensées négatives sur son travail d’accompagnement et la peur d’être « viré », sans objet avec la qualité réelle de son travail. En supervision il prend conscience qu’il s’agit d’un élastique.
[1] David Kupfer & Morris Haimowitz – Les élastiques, Classiques de l’Analyse Transactionnelle N° 2 – Editions d’Analyse Transactionnelle, Lyon