1ère publication 2008
Noëlle est cadre d’exploitation dans une société de transport de personnes, elle gère très bien son service et est reconnue pour ses compétences en organisation, elle est également chargée du développement de la qualité dans sa structure et, dans ce cadre, elle a développé plusieurs projets innovants permettant de créer des services nouveaux à la clientèle. Dans ces domaines, elle semble autonome. Pour mettre en place l’un des projets elle a proposé aux chauffeurs un changement mineur dans l’organisation des roulements. Changement qu’ils ont accepté lors de plusieurs réunions de travail. Lors d’une réunion de direction, elle apprend par le responsable de l’atelier que les chauffeurs sont insatisfaits et n’apprécient pas du tout ce changement. Pour l’instant nous ne nous intéresserons pas à l’intention du responsable de l’atelier lorsqu’il lui dit cela, mais à l’attitude de Noëlle. Lorsqu’elle entend cette information, elle devient pâle, se crispe. Les présents notent qu’elle est fortement perturbée par cet évènement. Lorsqu’elle prend la parole, sa voix est très faible, elle sourit faiblement et dit qu’elle ne comprend pas cette injustice. A ce moment, elle n’est pas autonome, mais dans un fonctionnement réactif, que l’on nommera « scénarique » en analyse transactionnelle.
Pour le coach, une hypothèse possible est qu’elle reproduit une séquence comportementale liée à une injustice issue de son enfance ; il n’ira pas creuser cet aspect des choses, mais sera vigilant à repérer les moments où il pourrait être tenté d’être injuste avec elle (par exemple en la jugeant même en non verbal lorsqu’elle présente des difficultés vécues). Il va travailler avec l’Adulte de sa cliente en lui permettant d’analyser la situation, de mettre des mots sur et d’exprimer ses ressentis, de chercher à comprendre ce qui a pu se passer dans la situation d’aujourd’hui. Les concepts qu’il utilise pour comprendre la situation et agir sont le concept d’autonomie et le concept de position de vie.
L’autonomie : conscience, spontanéité, intimité
L’autonomie est pour les analystes transactionnels, la capacité d’une personne à utiliser trois compétences particulières : la conscience, la spontanéité, l’accès à l’intimité, auquel Carlo Moïso ajoute l’inscription éthique de ses actions. Ces compétences sont acquises au fur et à mesure de notre chemin de croissance, chacun dispose à tout moment d’une part d’autonomie et d’une part de fonctionnement réactif, c’est à dire relevant d’apprentissages anciens faits en réaction à son environnement, non réactualisés et ne correspondant pas à la meilleure manière de tirer profit ou de résoudre la situation d’aujourd’hui.
La conscience est la caractéristique essentielle de l’autonomie, elle se manifeste par la conscience de nous-même, de nos capacités, de nos caractéristiques propres, de nos limites, de nos pensées, de nos comportements, de nos valeurs, de nos besoins ; par la conscience des modes relationnels que nous mettons en œuvre.. La conscience de nous-mêmes nous amène à nous percevoir comme un être unique, différent, à apprécier nos actes à la lumière de notre éthique personnelle et non plus simplement en fonction de ce que notre environnement nous renvoie. La conscience intègre la conscience de l’autre, de ses capacités, de ses comportements, de ses réactions, de ses valeurs, de ses besoins, de ses attitudes, de sa manière de comprendre la situation, de sa manière de réagir à nos comportements, nos actions, nos messages. Elle conduit également à la conscience de la situation, des différents niveaux d’implication de nos actions, des contraintes ou des aides externes possibles, des facettes multiples de la situation, de son origine, de son développement probable. Lorsqu’un de nos clients développe sa conscience, il a une meilleure vision de la situation, de son implication dans cette situation, de ses limites d’actions et il va mettre de l’énergie dans la résolution de ses difficultés.
Dans la situation décrite précédemment, Noëlle n’a pas une conscience complète de la situation, par exemple, son coach pourrait l’aider à comprendre les enjeux des différents acteurs face au changement, l’origine des bruits de couloir, l’existence du jeu psychologique « Battez-vous » ou un acteur donne des informations de première main conduisant deux autres protagonistes à se battre. Ces éléments permettent au coach, extérieur à la situation et donc disposant d’une conscience élargie, de définir des pistes pour aider Noëlle à changer de point de vue, l’aidant à gérer la situation.
La spontanéité est la capacité à utiliser le mode relationnel le plus en lien avec la situation, les objectifs de la relation, la personne. Elle comprend la capacité à exprimer dans toute leur richesse nos émotions, nos pensées, nos désirs et nos valeurs. La spontanéité est inverse à la réactivité qui est une manière apprise de réagir aux situations, aux relations, aux rôles. Lorsqu’un client développe sa spontanéité, il sera plus apte à utiliser les modes relationnels les mieux adaptés à la situation : il donnera des ordres clairs si la situation le nécessite, prendra soin des personnes et accordera de l’écoute si c’est utile, saura partager des informations et faire de la place à ses émotions et à sa créativité.
Noëlle est spontanée lorsqu’elle est capable d’expliquer une première fois à un chauffeur en quoi son attitude n’est pas conforme à l’engagement qualité de son entreprise, puis si l’évènement se reproduit lorsqu’elle est capable de plus de fermeté, de repositionner les limites et les interdits, sans violence verbale, avec la congruence (la concordance entre le ton de voix, l’attitude, les mots et le message) nécessaire.
L’intimité est la capacité à nous positionner dans la relation sans masque, à laisser apparaître (lorsque c’est acceptable dans l’environnement et utile pour la relation) nos émotions, nos désirs, nos frustrations, notre façon de comprendre le monde, tout ce qui constitue la richesse de notre être et de notre personnalité. Lorsque nos clients développent leur capacité à l’intimité, ils créent des relations plus fortes et plus riches en signes de reconnaissance, ils améliorent la connaissance que leurs collègues ou collaborateurs auront d’eux.
Noëlle a du mal à accéder à l’intimité (dans la mesure de l’intimité est utile et possible en entreprise et qui mériterait un long développement), elle ne peut pas dire à ses collègues ou à son hiérarchique ce qu’elle ressent, combien elle souffre de la situation.
Marion est directrice des ressources humaines dans une entreprise de la grande distribution, formée à l’analyse transactionnelle, elle a fortement développé l’intimité dans son équipe. Lors de son départ en retraite, elle organise la prise de parole pour permettre à chacun de dire ce qu’il ressent à propos de son départ. Ce moment d’intimité permet d’exprimer des joies et des colères restées enfouies et de prendre vraiment conscience de la fin de la relation. Dans ce moment, presque tous les membres de l’équipe ont exprimé des émotions sincères liées au temps passé avec Marion dans le service.
L’éthique vue comme une caractéristique est la capacité à intégrer ses comportements, ses pensées, ses désirs dans un cadre global de valeurs. Définir sa présence au monde, son investissement social, constituent des axes de réflexion pour le coach.
En supervision, Julien a de nombreuses questions éthiques, il termine régulièrement une séance en clarifiant ses positions, ses valeurs, les missions qu’il est prêt à accepter ou non, les limites entre le travail thérapeutique et le travail de coach. Lors d’une séance de supervision il a travaillé sur la notion de confort, qui est pour lui un élément important de la relation de coaching. Lors d’une autre séance, il a réfléchi au risque d’instrumentalisation dans une mission pour un syndicat professionnel.
Michel est responsable du laboratoire d’une entreprise agro-alimentaire, il vient en coaching personnel pour parler de sa difficulté à continuer à travailler dans l’entreprise ou il est ‘obligé’ de franciser des produits (ce sont des produits provenant d’extrême orient qui repartent avec une étiquette « made in France »). Michel vit un conflit de valeurs avec son environnement et bien que jeune diplômé – il travaille depuis un an dans l’entreprise – il a ‘du mal’ avec la situation.
La réponse du coach sera de permettre à Michel d’identifier ce conflit de valeur au travers de questions sur ses valeurs qui le font ressentir la situation comme problématique, de questions sur ce qui selon lui l’amène à ne pas agir, sur ses peurs. Puis de reconnaitre le retentissement de la situation sur son moral, d’identifier des réponses possibles et d’en analyser les conséquences probables, le prix à payer. La conclusion de ce travail sera le choix de Michel de chercher un autre poste. En reconnaissant le prix à payer de chacune de ses actions, en reconnaissant sa peur et en trouvant des moyens de la dépasser, il évolue vers son autonomie.
Dans ma pratique plus du tiers des cadres qui viennent en coaching vivent une « dissonance éthique », leurs valeurs se trouvant heurtées par les valeurs de l’entreprise. Ceci se produit par exemple lorsqu’un cadre est amené à cautionner des actes délictueux ou qu’il juge comme contraire à sa morale ou qu’il est amené à agir en dehors de ses propres valeurs pour se conformer aux modes de fonctionnement de l’entreprise comme :
- mentir sur une déclaration douanière,
- franciser des produits chinois,
- licencier une secrétaire après qu’elle ait eu une aventure avec un dirigeant,
- fournir délibérément une prestation non conforme au cahier des charges,
- maquiller un rapport d’expertise,
- avoir connaissance d’un abus de biens sociaux,
- respecter une procédure d’achat visant à choisir les entreprises les moins disantes au détriment de la qualité,
- générer une communication interne non sincère,
- ne pas respecter les procédures internes de recrutement pour favoriser une personne ‘recommandée’,
- faire pression sur les salariés pour un nouvel emploi du temps,
- soutenir le management par la peur,
- réaliser des licenciements en période de forte croissance,
qui sont quelques-uns des cas que j’ai eu à connaître.
Dans cette situation, le coaché ne se reconnaît plus dans les valeurs mises en œuvre par l’organisme auquel il appartient, il est pris dans un conflit interne entre son désir d’appartenance, sa loyauté à l’organisme et ses propres valeurs. Le malaise peut être profond, pouvant aller jusqu’à la dépression et l’inhibition de toute forme d’action. L’accompagnement consiste à mettre à jour les valeurs et principes éthiques du coaché, à lui permettre de mettre le doigt sur cette dissonance, puis à l’aider à choisir la voie qui lui convient le mieux : nommer et chercher à faire changer la situation, ‘avaler la couleuvre’, partir…
Il est important pour lui qu’il retrouve une cohérence entre son engagement professionnel et ses propres valeurs ou qu’il reconnaisse que le besoin économique ou que sa peur dominent pour l’instant. Bien évidemment le coach pourra avoir un avis sur ce qui est le mieux pour la personne… mais n’orienteras pas le travail dans cette direction, si ce n’est pas le choix du client.
La vision de l’autonomie de l’être humain n’est pas une version normative, chacun a des désirs différents et peut les exprimer. Chacun peut privilégier des modes relationnels différents. Chacun peut s’inscrire dans un parcours professionnel fondamentalement différent : choisir (choisir et non subir) de travailler en groupe ou de travailler seul, de diriger ou d’être dirigé, d’être au service des autres ou d’être créateur… L’autonomie c’est la capacité à faire ces choix, en fonction de l’ici et maintenant et non dans une logique de maintien d’anciens schémas de pensée, de ressentis ou de comportements, non en fidélité ou en réaction à nos parents ou éducateurs.
Exprimer nos choix de vie
L’autonomie, c’est également la possibilité d’exprimer dans nos choix de vie, dans nos actions, dans nos décisions les caractéristiques propres qui nous constituent. Selon que nous soyons doués pour le piano ou le bucheronnage, pour écouter ou pour parler, pour donner ou recevoir, pour créer ou appliquer… nous serons des êtres humains différents. Identifier nos propres caractéristiques est un élément du chemin vers la conscience, les mettre en œuvre est une étape du chemin vers la spontanéité. Être autonome, c’est encore être capable, à chaque moment de notre vie, d’évaluer l’action qui nous permettra d’être éthique, qui nous perdra d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, qui nous conduira à progresser… L’autonomie n’est pas une caractéristique qui peut être atteinte de manière définitive, elle est plutôt à voir sous la forme d’un chemin permettant de développer sa conscience et ses capacités relationnelles. Tendre vers l’autonomie est un processus de développement permanent et continu.
Pour le coach l’acceptation de cette vision particulière de l’autonomie doit lui ‘interdire’ de donner à son client des orientations de vie, il va intervenir sur ce que le client veut changer, ce qu’il identifie comme lui posant problème. En ce sens, un coach n’est pas un mentor. Le coach a pour souci permanent d’accompagner son client dans ce chemin d’autonomie, il est tout à fait possible d’expliquer le concept d’autonomie à un client et de lui demander de définir dans quelle capacité, dimension de sa vie, il souhaite progresser. C’est souvent un concept utile lorsque le coaching a été efficace et que le client a résolu le problème particulier pour lequel il est venu. Une réflexion sur son autonomie dans son activité présente lui ouvre de nouvelles pistes de travail en lien avec sa demande précédente, tout en lui permettant de la positionner dans une réflexion plus large.
Parcours vers l’autonomie
Véronique vient d’accepter le secrétariat général d’une coopérative de semences. Ingénieur agronome de formation, elle maîtrise totalement les processus de production et les éléments de la qualité. Mais elle est dépendante de son Président dès lors qu’il s’agit de préparer le conseil de surveillance de la coopérative, les réunions de bureau ; elle se sent également dépendante de son expert-comptable lorsqu’il s’agit de préparer son premier budget. Dans le même temps, elle se sentira également dépendante de son coach.
Dans cette situation Véronique vit la première phase de son parcours vers l’autonomie, la phase de dépendance. Le coach pourra accompagner Véronique dans la mise en évidence de ses besoins spécifiques (clarté des consignes, des objectifs, aide à la demande, support lors des étapes importantes, informations sur les enjeux et le fonctionnement de l’entreprise…).
Katherine Symor[2] décrit, à propos de l’émancipation de groupes opprimés, le cycle de la dépendance qui explique comment l’on passe de la dépendance relationnelle à l’interdépendance ou autonomie au travers de 4 phases. Ce concept est utilisé pour décrire les phases de la croissance des enfants, celle des professionnels dans leurs activité, voir la relation d’un coaché avec le coach.
Le concept de cycle de l’autonomie est très souvent utile en coaching, car il permet de donner du sens aux systèmes relationnels mis en place entre un cadre et son propre manager, ou entre un manager et les membres de son équipe.
Chacun de nos clients passe dans son poste par ces 4 phases. Lorsqu’il prend un nouveau poste, il est dépendant de son environnement pour comprendre les modes de fonctionnement, les processus, les modes relationnels, les aspects techniques de son activité.
Par la suite, il devient contre-dépendant et il va s’opposer, mais il aura toujours besoin d’aide pour maitriser ses activités.
Après un an, Véronique traverse une difficulté relationnelle avec son Président. Pendant toute la première partie de sa prise de fonction, elle a aimé la présence amicale et le soutien de celui-ci, maintenant elle commence à trouver sa présence pesante, elle s’oppose presque quotidiennement aux propositions qu’il lui fait.
La réponse du coach sera d’expliquer le cycle de l’autonomie et les besoins spécifiques liés à cette étape à Véronique, puis de lui permettre de trouver les moyens de négocier des modes de fonctionnement adaptés à ses besoins, avec en particulier la formalisation des temps de réunions, la définition d’ordres du jour précis.
Puis, il pourra accéder à l’indépendance. A cette phase, il sera capable de se débrouiller seul. Mais l’indépendance n’est pas l’autonomie, l’indépendance est une phase du chemin vers l’autonomie.
A ce moment du cycle dans son activité professionnelle, notre client est persuadé de pouvoir se débrouiller seul, de réussir à atteindre ses objectifs seul, sans aide extérieure. Il fuit plus ou moins le travail en équipe, il a du mal à écouter les idées proposées par les autres participants en réunion, il a du mal à rendre compte de son activité. Il ne perçoit pas la richesse de la différence et la considère comme une limite à l’exercice de ses propres compétences.
Beaucoup d’intervenants, coachs, formateurs, consultants, beaucoup de chefs d’entreprise ont développé une grande capacité d’indépendance. L’indépendance est souvent accompagnée d’une valorisation de son propre désir au détriment d’un bien commun ou d’une action d’équipe.
Yves est un commercial ‘de haut vol’, il dirige une dizaine de commerciaux terrains dans le secteur de la bureautique. Il a une grande expérience du métier. Lorsqu’il accompagne un des commerciaux chez un client il rencontre souvent la même difficulté. Il laisse le commercial démarrer l’entretien, mais bientôt, c’est plus fort que lui, il détecte les difficultés de la négociation, ne perçoit plus que ce qui ne va pas, les risques que l’affaire échoue et … il prend la main, intervient, mène la négociation, signe le contrat. Il a conscience que son intervention n’est pas très aidante pour le commercial.
L’accompagnement en coaching va lui permettre de se positionner dans le développement des compétences de ses collaborateurs en comprenant le cycle de l’autonomie et les besoins propres à chaque phase. A la fin du coaching, Yves décrit comment il est maintenant capable de prendre avis auprès de ses commerciaux, de leur demander des options pour améliorer les services et les méthodes. Il est passé à la phase de l’interdépendance.
L’autonomie ou interdépendance, se traduira par la capacité du client à accepter ses propres limites et à rechercher des soutiens, des appuis, des aides extérieures pour aller plus loin à deux que tout seul. Elle se traduira par des offres d’aide, l’acceptation de la différence de perception de la réalité, l’acceptation de la confrontation (c’est-à-dire d’une manière contractuelle de pointer à la personne ce qui n’est pas cohérent entre son discours et ses actes), l’acceptation de la nécessité de négocier face aux désirs différents de chacun, l’acceptation de la possibilité de laisser faire des erreurs à quelqu’un pour qu’il cherche sa propre voie.
Éric est formateur indépendant, il a exercé une profession salariée et gardé des contacts avec son ancien employeur qui continue à lui confier des actions de formation. Dans le cadre d’un coaching dont l’objectif est de lui permettre de dégager une stratégie de positionnement, il décrit comment les relations avec ce client sont tendues, il ne se sent pas reconnu, il a l’impression de toujours faire des choses anciennes, qu’on ne lui confie pas d’actions qui pourraient lui permettre de montrer son évolution.
La réponse du coach consiste à aider Éric à identifier son passage par une phase de contre-dépendance et à l’aider à trouver des stratégies permettant de créer une relation nouvelle avec ce client : par exemple, prendre le temps de l’inviter au restaurant pour lui faire part de son évolution, le remercier pour l’aide accordée jusqu’à présent, l’écouter sur les évolutions de son projet d’entreprise, lui proposer de nouvelles manières de travailler.
La flèche sur le schéma précédent montre que lorsque l’on atteint l’interdépendance, le chemin reprend avec de nouvelles zones de dépendance, de nouvelles étapes à vivre.
L’autonomie n’est pas l’atteinte de la perfection. L’autonomie correspond à vivre le mieux possible, en se servant de ses compétences personnelles.
Evelyne est architecte, elle est rigoureuse, portée sur les détails, le travail, elle est très exigeante pour elle-même comme envers ses collaborateurs. Avec elle, la notion de travail parfait n’est pas un vain mot. Ses inclinaisons, son tempérament lui permettent de réaliser des aménagements de bureaux de très haut de gamme. Luxe, confort, ergonomie, donnent une ambiance idéale pour les sièges sociaux des banques.
L’autonomie n’est pas l’absence de difficulté, c’est avoir la capacité à traiter les difficultés avant qu’elles ne deviennent des problèmes. Les difficultés (les souffrances dans le domaine privé) sont inhérentes à la vie, à ses mouvements, à ses rapides, ses tumultes. L’autonomie c’est la capacité à prendre en compte la difficulté, à en faire un projet de progrès, à en tirer profit, à l’intégrer comme un élément de son histoire de vie.
Isabelle est directrice d’une école privée, son mentor dans l’établissement, un jésuite de grand charisme vient de décéder dans un accident d’avion, elle se sent d’abord désespérée, puis après avoir eu envie de donner sa démission, elle comprend qu’elle peut continuer dans l’établissement à développer des actions en relation avec les valeurs de cette personne et les siennes propres. Sa tristesse est réelle, tout en la reconnaissant elle continue à agir.
L’autonomie n’est pas la certitude, chacun construit sa propre représentation de la réalité, celle-ci est propre à l’individu et il n’y a donc pas de sens à la définir comme bonne pour les autres personnes. Ce que chacun découvre dans son chemin vers l’autonomie, ce qu’il en fait, pense, la manière dont il se représente la vie et sa place dans le monde, n’ont de valeur que pour lui-même. Vouloir faire de ses pensées et de ses certitudes une règle absolue est un leurre.
L’autonomie conduit à la compréhension que toute règle, toute définition du monde, toute relation n’a de valeur que dans le partage, l’atteinte d’objectifs communs, la discussion, la création de communautés humaines. De nombreuses situations de coaching sont propices à une exploration de la vision de l’autonomie de notre client : plaintes concernant la motivation, désir de changement d’orientation professionnelle, souhait de rétablir des priorités de vie. Dans ces diverses situations, le client tire profit à imaginer comment sera son futur ‘plus autonome’.
- Le cycle de la dépendance dans la relation de coaching
Dans la relation entre le coach et le coaché, il est régulièrement possible d’observer le passage du client au travers de ces différentes phases (dans un coaching assez long, par exemple de 10 séances). Le client arrive avec une problématique particulière à traiter et se sent dépendant du coach pour sa résolution. Il va mettre scrupuleusement en action toutes les actions définies dans la séance, remercier le coach de l’efficacité de son travail, être très attentif à tout ce que le coach peut dire.
L’étape suivante (contre-dépendance) sera repérable par les changements de dates imposés par le client, sa difficulté à être disponible, le fait qu’il ne mènera pas à bien les actions décidées en séance. Cette phase est importante pour le client, il va trouver petit à petit l’énergie nécessaire pour « se débrouiller seul ».
La troisième phase sera plus ou moins facile à vivre pour le coach, son client arrivant en séance avec une phrase du type « tout va bien en se moment, je me débrouille bien ».
La compréhension de l’existence de ce cycle permet au coach d’adapter ses réponses à la phase du cycle vécue par son client. Dans la dépendance, il est attentif à ne pas faire plus de 50 % du travail, le risque de « prise en charge de type sauveteur » étant important. Dans la phase de contre-dépendance, il accepte les oui mais de son client, il le fait exprimer ses besoins, il travaille sur ses illusions, le conforte dans les prises de positions positives. Dans la phase d’indépendance, il va conforter les nouveaux modes de fonctionnement positifs décrits par son client.
Daniel Chernet
Coach, facilitateur
Superviseur et formateur de coach et facilitateur
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[2] Nola Katherine Symor – Le cycle de la dépendance – Classiques de l’Analyse Transactionnelle N° 3 – Editions d’Analyse Transactionnelle, Lyon (publication originale en anglais 1977)