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Coopération : prise de décision par consentement

  • Prendre une décision par consentement c’est traiter collectivement toutes les objections raisonnables pouvant s’opposer à la mise en œuvre d’une proposition faite par un des membres du groupe pour répondre à la problématique de départ.

La décision est prise au moment où plus personne n’a d’objection valable. Chacune des objections ayant été traitée par une « bonification » co-construite de la proposition de départ.

La prise de décision par consentement a été mise au point par Gerard Endenburg, l’inventeur de la Sociocratie. Elle fait partie des 4 règles de base du fonctionnement sociocratique Elle est pleinement applicable dans toute organisation pour des décisions qui doivent être prises collectivement, moyennant des règles de fonctionnement clarifiées et un apprentissage du processus à suivre.

Elle part du principe d’équivalence entre les personnes, qui pose que chacun a le même pouvoir face à la prise de décision. C’est donc un mode responsabilisant de prise de décision collective, chacun décidant par lui-même de participer à la prise de décision ou non, de faire des propositions ou non, de poser des objections ou non.

Elle vise à mettre en application une décision qui :

  • Répondra aux enjeux de la problématique ou du choix posé,
  • Sera partagée par l’ensemble des membres,
  • Contribuera à la cohésion du groupe,
  • Aura le maximum de chance d’être appliquée par tous les membres du groupe concerné en respectant leurs limites.
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Consentement et consensus

Lors d’une prise de décision par consensus tout le monde dit « oui, cette proposition me convient », lors d’une prise de décision par consentement, plus personne ne dit « non, je ne peux pas participer à l’action résultant de cette prise de décision ». Pour réussir ce tour de force de prendre une décision sans faire appel à la majorité et en permettant à tout le monde de se positionner s’il le souhaite, il est nécessaire d’utiliser un processus structuré. Celui-ci conduit le groupe à prendre la décision lorsque la proposition soumise à décision ne rencontre plus d’objections raisonnables parmi les membres du groupe et uniquement à ce moment-là.

Principes pour la réussite de la prise de décision par consentement.

Je ne présenterai ci-après que les principes de la mise en œuvre de la prise de décision par consentement ; les modalités pratiques sont définies de manière précise sur plusieurs sites.

Neuf principes vont permettre de réussir l’implémentation de la prise de décision par consentement dans un groupe de travail, une équipe.

  • Existence d’un niveau de sécurité psychologique permettant à chaque personne du groupe de s’exprimer, en particulier dans sa capacité à dire qu’elle ne partage pas un choix qui pourrait convenir à la majorité des personnes – ce qui nécessite d’accepter d’être marginal, différent, pas d’accord, dans cette séquence de travail et aussi que cette différence de point de vue soit acceptée par les autres membres du groupe, sans donner lieu à des dévalorisations ou des reproches pendant la séance de prise de décision et après la réunion !
  • Compréhension et acceptation par les membres du groupe des enjeux de la prise de décision collective. Les membres du groupe cherchent ensemble une solution qui sera bonne pour le groupe, mais pas nécessairement la meilleure pour l’une ou l’autre des personnes. Ils acceptent de ne pas rechercher la meilleure solution possible (qui n’existe pas en soi), mais plutôt une décision qui respecte les limites des personnes chargées de l’appliquer et qui réponde à la problématique de départ, sur la base d’une proposition faite par un membre du groupe. Ils acceptent de travailler collectivement à l’amélioration de la proposition. Une décision « bonne » respectera et enrichira la capacité de l’organisation ou du groupe à remplir sa mission, telle qu’elle a été définie préalablement par le groupe concerné. Le processus est expliqué clairement, la règle du jeu est connue de tous, des exercices pratiques sont réalisés sur des exemples de décision sans enjeux.
  • Connaissance et apprentissage par tous les membres du groupe du processus de prise de décision par consentement. En corolaire, les membres du groupe auront accepté par consentement de mettre en œuvre ce type de décision pour les prochaines décisions importantes à prendre.
  • Définition d’un cadre de travail adapté.  Il porte sur le respect des personnes, des thématiques à traiter et le fonctionnement du groupe : existence d’un facilitateur expérimenté, clarté de l’objectif de la réunion, de la problématique à traiter, de la durée de la réunion…
  • Respect de la méthodologie. Elle permettra la présentation de la proposition, un temps de clarification (permettant le partage de représentations), un temps d’échange, d’amendements à la proposition, puis la présentation des objections éventuelles, le traitement de celles-ci, les bonifications de la proposition de départ ou son abandon. Dans ce dernier cas, d’autres propositions émergeront et le processus de prise de décision par consentement reprendra.
  • Qualité du processus[vi] de facilitation. Le processus est garant de la conservation d’une attitude coopérative tout au long de la prise de décision. Il va ainsi permettre à la personne qui propose une objection :
    • de valider qu’elle est bien acceptable, qu’il ne s’agit pas d’un simple point de vue sur ce qui serait préférable (phase d’amendement) ;
    • de se sentir écoutée et pleinement acceptée
    • d’exprimer complètement son point de vue ;
    • de clarifier et de préciser ses arguments de développer un raisonnement qui lui convienne
    • de dépasser l’émotion éventuellement présente et les ressentis négatifs en prenant le temps de poser, de clarifier, de conscientiser…
  • Qualité de la proposition de départ. Une bonne proposition est conforme à la culture du groupe, innovante et répond pleinement à la problématique posée. C’est une part de l’apprentissage des membres du groupe que d’être compétent dans la création de propositions et l’aide à la clarification des propositions faites par d’autres (pour bien argumenter, j’ai besoin de bien comprendre ce que l’autre propose). La décision par consentement ne nécessite pas de passer en revue toutes les propositions possibles, mais de partir de l’une d’elle pour mener à bien le processus d’amendement, d’objection et de bonification.
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  • Compréhension de ce qu’est une objection de qualité. Chacun des membres du groupe aura à intégrer qu’une objection va permettre à tout le groupe de progresser dans sa prise de décision. Selon Gerard Endenburg (7) il existe 2 types d’objections :
      •  » les objections qui portent sur des éléments factuels et des raisonnements qui contestent le bien fondé de tout ou partie de la proposition pour atteindre le but recherché : Si nous décidions cela, nous nous éloignerions de notre objectif parce que… »
      • « Les objections qui expriment que la proposition outrepasse les limites de quelqu’un dans le cercle : « Si l’on prend cette décision, je ne serai pas en mesure d’assumer les conséquences de cette décision parce que… »
  • Recherche d’amélioration de la proposition. Chacun participe, dont la personne qui a posé l’objection, à la recherche d’éléments permettant la bonification (selon le terme consacré en sociocratie), de la proposition initiale. Si cette bonification est suffisante elle permet de lever l’objection de départ. Tant qu’il y a des objections, l’ensemble du groupe est mobilisé pour trouver des bonifications à la proposition d’origine. Chaque objection est ainsi une occasion pour le groupe de mettre en œuvre sa créativité.
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  • Développement du groupe. Avec l’apprentissage de la prise de décision par consentement et de la formulation des propositions, les objections deviennent de moins nombreuses et de plus en plus en lien avec les enjeux de l’organisation. Le type d’objections, la manière de les poser, le traitement des amendements évolue tout au long de l’empowerment des personnes au sein du groupe.
 

L’apprentissage de la prise de décision par consentement permet la responsabilisation des personnes par l’exercice de leur souveraineté personnelle. Participer à l’élaboration des propositions, à l’expression de ses objections, à l’acceptation des objections des autres fait vivre des émotions et des frustrations et dévoile nos limites. Les prendre en compte permet de grandir individuellement dans son acceptation des autres.

Cette méthode contribue à des relations plus authentiques et plus profondes. Mise en œuvre d’une écoute attentive, recherche de la compréhension de l’objection, participation de chacun à la bonification, conduisent à créer du Nous au sein du groupe. Le respect du principe d’équivalence et les moments de partage des ressentis agissent dans le même sens, ainsi que les temps de célébration des décisions.

  • La prise de décision par consentement est quelquefois difficile à développer dans les groupes, car elle nécessite l’apprentissage d’un changement de posture personnelle face à la décision.

Lorsque l’habitude du groupe porte sur la prise de décisions à la majorité ou par le leader après concertation, les membres du groupe concerné analysent la prise de décision en fonction de leurs propres intérêts et cadre de référence. Ils décident de leur engagement (je suis d’accord, je ne suis pas d’accord, je vais me plier, je vais participer, je vais m’opposer, je vais traîner des pieds…) en fonction de leur vision du monde, de leur relation au leader, de leur relation aux autres membres du groupe, de leurs priorités personnelles. L’apprentissage de la prise de décision par consentement va nécessiter un changement de posture vers une acceptation de sa part de contribution dans une prise de décision qui respecte les limites de ceux qui vivront avec les résultats de la prise de décision.

D’un point de vue philosophique, il s’agit d’un changement profond, basé sur le principe d’équivalence entre les personnes. La prise de décision par consentement empêche de considérer comme possible les abus d’un humain sur un autre ; puisqu’il s’opposerait à cette prise de décision !

 

Daniel Chernet – 2019

Coach, facilitateur

Superviseur et formateur de coachs et de facilitateurs